Depuis mon petit appartement, je me rappelle : dans un autre monde, je serais actuellement à Paris, au milieu d’une foule d’amoureux du livre, en compagnie de toute une bande d’auteurs. Mais ce monde a cessé d’exister. Petit à petit, il s’est délité. Réduit couche après couche, comme un oignon. Et quelque chose me dit que ce n’est pas fini…
Il y a ne serait-ce qu’une semaine, ce monde existait encore. En tout cas, il en donnait l’illusion.
Il y a une semaine, j’étais dans le superbe village de Bruniquel, dont vous avez une vue juste au-dessus. J’ai déjeuné au restaurant. Je suis allée courir dans les collines environnantes. La vie était belle et simple. Je ne savais pas encore que dès le lendemain, les restaurants seraient tous fermés. Que trois jours plus tard, je n’aurais (pratiquement) plus le droit de sortir de chez moi.
Alors, je ne sais pas ce qu’il en est pour vous qui me lisez, mais moi, j’ai l’impression que cette semaine a duré bien plus que sept jours.
Notre monde habituel a disparu. J’allais écrire « pour un temps », mais je suis sûre que lorsque cette période de confinement sera terminée, le monde aura changé. De quelle manière et dans quelles proportions ? Je n’en sais rien et bien malin qui pourrait le prévoir. Mais ce sera différent.
Comme vous tous, j’ai entendu ces « Nous sommes en guerre » proférés d’un ton martial. Comme beaucoup d’entre vous, je n’ai pas aimé le vocabulaire choisi et surtout son corollaire : en temps de guerre, on doit tout accepter, y compris parfois l’inacceptable.
Et pourtant…
Pourtant, pour avoir vécu plusieurs années dans des pays en guerre lorsque je travaillais dans l’humanitaire, je retrouve aujourd’hui certaines habitudes ou sensations de ces années-là.
Le fait d’y réfléchir à deux fois avant de sortir. Des précautions à prendre : aujourd’hui, c’est me munir d’une attestation papier sur laquelle j’indique la raison de ma sortie ; en d’autres temps, c’était emporter un talkie-walkie.
Et puis, une fois de retour chez moi, en reprenant mes activités habituelles puisque je travaille de toute façon toujours à domicile, l’impression pourtant que la vie est toujours aussi simple. Des fous rires devant des vidéos, des conversations légères au téléphone… Tout va bien.
Jusqu’à ce que le calme de la rue me rappelle que tout de même, il y a quelque chose qui cloche. En d’autres temps, c’étaient les coups de feu dans le parc d’à côté ou le bruit des canons au loin. Aujourd’hui, c’est le silence.
Il y a quelque chose dans l’air de différent, comme une vague menace invisible. Et pourtant, le soleil nous chauffe de ses rayons, les jours allongent et les fleurs éclosent. Nous évoluons sur une ligne de crête entre l’ombre et l’espoir. Je m’efforce de tomber du bon côté 😊
Vous venez avec moi ?
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