Besoin de changer de sexe

Son reflet

C’est un privilège d’auteur de pouvoir se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre. D’écrire « je » en étant une personne qui n’a rien à voir (ou si peu) avec soi-même. C’est donc un plaisir que je pratique régulièrement.

Bien sûr, il n’y a pas de règle absolue et il arrive que mes histoires sont racontées par un narrateur extérieur. Mais souvent, j’écris à la première personne. Une façon, sans doute, de mieux m’approprier l’histoire.

Il m’arrive alors d’être un vieil homme bougon, ou une petite fille rêveuse. Un jeune homme idéaliste ou une vieille dame au caractère bien trempé.

Il m’arrive même d’être moi-même, mais c’est devenu de plus en plus rare : il y a tellement de personnages à faire vivre !

Avec le recul (ma première publication a plus de dix ans), j’ai pu me rendre compte que lorsque j’évoquais dans mes textes des sujets sensibles pour moi, je me mettais systématiquement dans la peau d’un personnage masculin. Comme si cette distanciation (puisque c’est un homme qui parle, il ne peut pas s’agir de moi) m’était nécessaire.

Le héros de mon premier livre, un roman sur le thème de l’humanitaire et de ses multiples dérives, était un homme.

Le personnage que les tourments du deuil amènent aux portes de la folie dans mon recueil de nouvelles, Circa mortem, est un homme.

Mais ce que ces deux hommes vivent dans mes livres, c’est, à peu de chose près, moi qui l’ai vécu. IRL (dans la vraie vie), comme disent les geeks. Seulement, à l’époque où j’ai écrit ces textes, la déception et la douleur étaient trop fortes pour que j’arrive à utiliser la première personne.

Pourquoi, dans ce cas, ne puis-je écrire qu’en me mettant dans la peau d’un homme ? Voilà une question pour les psychanalystes !

Cet article a 2 commentaires

  1. DETHYRE Patricia

    Tiens, tiens… Le titre m’a interpelée mais en lisant j’ai compris que tu parlais au nom de tes clients. Puis, tu évoques tes livres personnels et cette difficulté à dire « je » autrement que dans la bouche d’un personnage masculin. Je me demande s’il ne faudrait pas te raconter auprès d’une ou d’un collègue (dans la même posture que tu prends toi-même avec tes clients) pour parvenir à faire sortir ce « je » qui se cache… de ta belle voix de femme. Je suis candidate pour tenir le stylo…

    1. Auteur

      Bonsoir Patricia,

      Ravie que le titre de cet article t’ait interpelée… Il a atteint son but 🙂
      Quant à laisser à quelqu’un d’autre le soin d’écrire le « je » qui est le mien, j’ai peur que ce ne soit pas possible : je tiens trop à mes mots, à leur tonalité, aux virgules qui les séparent… C’est un attachement viscéral.
      Et puis, je te rassure, mes changements de sexe ne sont jamais que temporaires, le temps de digérer ce qui fait mal. Ainsi, si un homme est le héros de Tranche de vie humanitaire, c’est bien moi, Florence, qui raconte ma mission humanitaire à la première personne dans La face cachée des cocotiers.
      Mais je te remercie pour ta proposition 🙂

      Florence

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